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[Culture – Japon] Hikikomori

Encore un sujet que je vais reprendre sur wikipedia !
Mais vous trouverez ensuite quelques liens supplémentaires si vous êtes intéressés par le sujet !

Hikikomori (引き籠もり) est un mot japonais désignant un état psychosocial et familial concernant principalement des hommes qui vivent coupés du monde et des autres, cloîtrés le plus souvent dans leurs chambres pendant plusieurs mois, voire plusieurs années, et ne sortant que pour satisfaire aux impératifs des besoins corporels.

Ils se sentent accablés par la société.
Ils ont le sentiment de ne pas pouvoir accomplir leurs objectifs de vie et réagissent en s’isolant de la société.

# Chiffres et populations touchées

Il y avait environ 230 000 hikikomori au Japon en 20103, soit près de 0,2 % de la population (qui est de 127 millions)4. Près de la moitié (44 %) le seraient devenus à la suite de problèmes d’emploi ou de recherche d’emploi.
70 % sont de sexe masculin, et 44 % ont la trentaine.
Le phénomène n’est pas limité au Japon et des cas ont également été recensés par exemple à Oman, en Espagne, en Italie, en Corée du Sud et en France.

En 2016, le gouvernement japonais publie une étude de décembre 2015 qui décompte 540 000 hikikomori enfermés depuis au moins six mois pour les 15-39 ans.
Mais, en prenant en compte leurs aînés, ils seraient aujourd’hui plus d’1 million.
35 % d’entre eux se sont isolés depuis au moins sept ans.

Ce phénomène concernait à partir des années 1990 principalement des adolescents ou de jeunes adultes.
Vers la fin des années 2010, il semble que ce phénomène et/ou les populations touchées, probablement les mêmes que dans les années 1990 n’ayant pas trouvé de solution, sont considérées comme vieillissantes.
Une étude lancée par le gouvernement japonais en décembre 2018 concerne les hikikomori âgés de 40 à 59 ans.
Le 29 mars 2019, le bureau du Cabinet présente cette étude qui dénombre 613 000 hikikomori pour les 40-64 ans.

# Causes de l’isolement

D’abord considéré à tort comme une agoraphobie par les psychologues non japonais, alors que c’est un phénomène plus proche de l’ochlophobie, ce comportement asocial semble pouvoir prendre sa source dans divers phénomènes, tels que :

  • des traumatismes familiaux ou extérieurs, trouvant parfois leur origine dans l’enfance, qui privent l’individu de confiance en lui, l’empêchant de se sentir suffisamment en sécurité en dehors de la cellule familiale.
    Ces traumatismes peuvent trouver leur source dans le phénomène d’ijime (苛め), un certain type de brimades scolaires, bien que cela n’en soit pas nécessairement la cause
  • la relation fusionnelle prolongée que certains aînés mâles entretiennent parfois avec leur mère, appelée populairement mother complex (マザーコンプレックス, mazā konpurekkusu), ou simplement mazakon (マザコン).
    Elle se traduit par une carence dans la socialisation et un retard de langage, l’intolérance aux frustrations et aux contraintes du monde extérieur, à la dyade
  • la grande permissivité ou tolérance du milieu familial japonais, vis-à-vis de l’enfant (enfant-roi et tyran), qui a été décrite par les psychiatres japonais sous le terme d’amae (甘え, « fait de chercher à être gâté, choyé ou protégé (surtout par son entourage) »).
    Elle est renforcée par l’absence patente d’autorité et de rivalité paternelle, de punitions et de châtiments corporels, et par une grande liberté individuelle dans les loisirs et les horaires
  • la forte pression sociale, exercée sur les adolescents et les jeunes adultes dès leur scolarisation.
    Cette pression se manifeste de diverses façons :

    • une forte pression scolaire relayée par la famille, attitude parentale nommée kyōiku mama (教育まま, « mère obsédée par l’éducation scolaire ») ou mamagon (ままごん, « mère dragon ») par les psychosociologues
    • une pression de groupe exercée très tôt par le système éducatif japonais lui-même, dit gakureki-shakai (学歴社会, « société obnubilée par le cursus scolaire »)

Pression scolaire

Le système scolaire japonais est particulièrement sélectif, et tous les établissements, du jardin d’enfants à l’université, sont classés (parfois uniquement de façon officieuse) en fonction de leur niveau.
Lors du passage de l’école primaire au collège, puis du collège au lycée, et enfin du lycée à l’université, les élèves sont soumis à des concours d’entrée, dont la difficulté est déterminée par le rang et la renommée de l’établissement.
Certains de ces concours sont si difficiles que nombre de jeunes, après leur sortie du lycée, sont obligés de réserver une année complète à l’étude (on les appelle alors rōnin), afin de préparer leur entrée à l’université. L’université la plus prestigieuse et dont les examens sont les plus difficiles est l’université de Tokyo.

Il peut aussi arriver que la pression scolaire vienne des élèves eux-mêmes, à travers le phénomène d’ijime.
Par ce terme, on désigne la mise à l’écart et le rejet par un groupe des éléments considérés comme étant « hors-norme », rejet qui peut se traduire par des vexations, des moqueries ou même parfois des violences.
Ce phénomène, bien qu’existant dans tous les pays, peut prendre des proportions particulièrement importantes au Japon.

Pression sociale

Un syndrome nommé gogatsu-byō (五月病, « mal du mois de mai ») affecte chaque année des milliers de jeunes, au bout d’une période d’un à deux mois après la rentrée universitaire ou, plus souvent, l’embauche.
Son nom vient du fait que les écoles et les entreprises, au Japon, fonctionnent toutes au rythme de l’année fiscale (avril à mars).
C’est donc systématiquement en avril que l’on fait son entrée dans un nouveau milieu : nouvelle classe pour les étudiants ; nouvelle entreprise pour les jeunes salariés.
Ce syndrome se présente comme une dépression réactionnelle, avec dépersonnalisation passagère ou bouffée délirante, touchant généralement les individus les plus brillants intellectuellement, les plus sensibles, et/ou ceux qui viennent de provinces et d’îles éloignées.
Ces troubles, souvent expliqués par le facteur passe-partout de stress, révèlent souvent une fragilité de type pré-migrante.
Ils se résorbent généralement après le retour dans la famille (rapatriement sanitaire) ou peu après l’hospitalisation, mais l’évolution vers des troubles chroniques ou plus sévères n’est pas rare.

Ce syndrome, dans le cas de jeunes diplômés fraîchement embauchés dans une entreprise, peut s’expliquer en partie par les conditions de travail traditionnellement très dures au Japon.
Le nombre de jours chômés (dix jours de congés payés la première année) est inversement proportionnel au nombre d’heures travaillées (beaucoup d’employés sont contraints de faire des heures supplémentaires).
La coupure avec le monde scolaire est très nette, et très éprouvante.
Mais surtout, la récession économique que subit le Japon depuis les années 1990 a provoqué une occidentalisation du système de gestion des entreprises, faisant disparaître progressivement le shūshin koyō seido (終身雇用制度, « système d’emploi à vie »), qui garantissait à l’individu de pouvoir faire carrière jusqu’à la retraite dans une seule et même entreprise.
Ce phénomène a provoqué l’apparition d’un besoin de « résultats » de la part de l’employé, faisant du même coup augmenter la pression sur celui-ci.

# Symptômes de l’isolement

Les symptômes de Hikikomori ressemblent fortement à ce qu’on qualifie en Occident de phobie sociale et de retrait social.

Dans la société actuelle, il semble que de plus en plus de personnes acceptent mal la pression du monde extérieur, et peuvent ressentir une angoisse incoercible face à la contrainte relationnelle.
À ne pas confondre avec une agoraphobie, dont le seul point commun est le mécanisme de défense « par évitement » ou encore avec de l’ochlophobie « qui se manifeste dans les endroits où il y a beaucoup de personnes.
Lorsqu’il est question d’ochlophobie, il est question d’une « peur de la foule », à ne pas confondre avec l’agoraphobie ou la claustrophobie. »

Ainsi, ce n’est pas tant l’espace extérieur qui est anxiogène que l’implication relationnelle et non virtuelle qu’elle exige.
Alors que l’agoraphobe sera souvent soulagé de parler à quelqu’un en particulier car cela va rompre son isolement dans l’espace ou dans la foule et lui permettre de prendre enfin le (huitième) métro, le hikikomori, lui, va au contraire préférer une rue déserte en pleine nuit pour aller au distributeur de boissons, car la machine sera apathique par excellence et anonyme (parfois parlante, mais sans attendre d’autre réponse que la pression d’un bouton), par exemple.
L’essor inégalé des distributeurs automatiques de toutes sortes au Japon est peut-être en rapport avec la recrudescence des comportements d’évitement des contacts humains.

Le hikikomori réagit donc en se retirant complètement de la société, évitant tout contact avec le monde extérieur, surtout s’il nécessite une communication, même non verbale, comme passer à la caisse d’un supermarché ou au konbini.
Il s’enferme dans sa chambre pendant des durées prolongées, souvent mesurées en années.
Il n’a souvent aucun ami et passe la plupart de son temps à dormir, à regarder la télévision, à jouer sur l’ordinateur et à surfer sur Internet, moyen privilégié de communication (théoriquement anonyme et libre).

Ayant pris la place des pū-tarō (プー太郎, « fils aîné péteur ») puis, au sens large et relativement sympathique, tout enfant majeur et chômeur vivant aux crochets des parents des années 1970, les hikikomori dans leur phase de début, incarnent un cas extrême de célibataire-chômeur endurci, mais qui annonce déjà une pathologie (une souffrance psychique).

En effet, la volonté de se retirer de la société tend en général à se renforcer progressivement.
Les hikikomori ont l’air malheureux, dépourvus d’amis, timides et peu loquaces.
Souvent également, ils sont rejetés à l’école, ce qui constitue l’élément déclencheur du phénomène d’isolement, et ainsi le phénomène s’auto-entretient.

# Réaction des parents

Avoir un hikikomori à la maison est souvent considéré comme un problème qui doit rester interne à la famille et beaucoup de parents attendent longtemps avant de rechercher l’aide de psychologues.
De plus, les pédopsychiatres sont peu nombreux au Japon : seulement 169 dans tout le pays en 2011.
Les thérapeutes sont pourtant très actifs, le Japon étant un pays qui possède une structure de soins à domicile et d’enseignants volontaires.
Avoir un fils ou une fille hikikomori à la maison est encore un sujet tabou, un des derniers bastions du haji (恥, « la honte, le déshonneur »).

Aussi, au Japon, l’éducation des enfants étant traditionnellement assurée par la mère, le problème du hikikomori est souvent laissé à sa seule charge. Au début, les parents espèrent que le problème se réglera de lui-même, et voient cette situation comme un passage à vide temporaire de leur enfant. Ils ne savent donc pas quelle attitude adopter, et il est rare qu’ils forcent leur enfant à réintégrer la société.

# Effets de l’isolement

Le manque de contact social et l’isolement prolongé ont un effet dévastateur sur la mentalité des hikikomori.
Ils perdent leurs capacités à vivre en société.
Leur poste de télévision ou leur ordinateur devient alors leur unique point de référence.

Si le hikikomori réintègre finalement volontairement la société — souvent après quelques années — il doit faire face à un sérieux problème : rattraper les années d’école perdues.
Cela rend le retour dans la société encore plus difficile.
Ils ont peur que les autres découvrent leur passé de hikikomori.
Ils se sentent également mal à l’aise avec les étrangers.

Leur peur peut se transformer en colère et leur manque de références morales peut les conduire à des comportements violents voire criminels.
Certains hikikomori attaquent leurs parents.
En 2000, un hikikomori de 17 ans a pris le contrôle d’un bus et tué une passagère.
Un autre cas extrême est celui d’un hikikomori ayant enlevé et séquestré une jeune fille pendant neuf ans.
Un autre a tué quatre fillettes afin de reproduire une scène de manga.
Les comportements de violence légère sont toutefois souvent difficiles à établir car les familles préfèrent taire la vérité.

# Traitement

Les avis des thérapeutes sur la conduite à tenir divergent, notamment entre les Japonais, qui préfèrent attendre que l’adolescent récalcitrant réémerge dans la société par la force des choses et grâce au soutien à domicile, et les Occidentaux, plus enclins à la consultation externe et à la psychiatrisation.
Dans la plupart des cas, un soutien psychologique est nécessaire pour les parents, qui sont désorientés et impuissants face au problème.
Bien qu’il existe des cellules d’aide spécialisée, beaucoup de hikikomori et de parents ressentent encore un manque de soutien, en grande partie dû à l’ambivalence des individus concernés et aux réticences de la famille à solliciter une aide extérieure.

Lorsque le diagnostic a été posé, souvent à la suite de la consultation des parents, l’intervention est une approche à la fois sociale et clinique.
Il s’agit le plus souvent d’une thérapie familiale à domicile, de longue haleine et qui n’est pas sans rappeler l’antipsychiatrie, avec de petites équipes de helpers, qui sont à la fois peu médicalisées et très actives.
Celles-ci se composent d’un ou deux éducateurs spécialisés effectuant des visites quotidiennes, épaulés par un assistant social et un médecin une fois par semaine. Une réunion de restitution et de contrôle, généralement hebdomadaire, complétée par la réunion de secteur mensuelle, permettent d’apprécier l’évolution et de décider des mutations d’équipes éventuelles.

Un traitement médicamenteux est souvent associé, sans être systématique.

# Dans la culture populaire

Films, séries et théâtre

  • Le film Onīchan no hanabi (おにいちゃんのハナビ), sorti le 10 septembre 2010 au Japon, raconte de manière touchante comment une jeune fille essaye de sortir son grand frère de cette condition de hikikomori.
  • Le court-métrage Shaking Tokyo de Bong Joon-ho, intégré dans le long-métrage Tokyo ! sorti en 2008, aborde lui aussi le cas des hikikomori, de façon poétique.
  • Le film sud-coréen Castaway on the Moon, sorti en 2009, raconte l’histoire surprenante de Kim Seong-geun et de la relation non moins étonnante qu’il entretient avec Ryeo-won Jeong, jeune asociale complètement recluse dans une chambre de l’appartement de ses parents.
  • Dans la mini-série japonaise Shokuzai sortie en 2012, l’une des cinq protagonistes, traumatisée par le meurtre de son amie d’enfance, est devenue 15 ans plus tard hikikomori.
  • La pièce de théâtre Le Grenier de Yōji Sakate (éditions Les Solitaires Intempestifs, janvier 2010).
  • Le film allemand Mille nuances de pluie d’Isabel Prahl sorti en 2018.

Mangas et anime

  • Le manga NHK ni yōkoso!, adapté en anime diffusé en 2005 au Japon, aborde en profondeur le cas des hikikomori, dans un style tragi-comique.
  • Le manga Sayonara Zetsubō Sensei inclut comme personnage secondaire une fille hikikomori.
  • Le manga Ano hi mita hana no namae o bokutachi wa mada shiranai ou AnoHana a comme personnage principal Jintan, un hikikomori.
  • Le manga Le Cocon de Mari Okazaki inclut comme personnage principal de la première histoire une fille hikikomori.
  • Le manga Cat Street de Yoko Kamio raconte l’histoire d’une hikikomori, anciennement jeune actrice prodige, et sa sortie de cet enfermement grâce à une « école active ».
  • Dans le manga Kagerou Project et son adaptation animée Mekaku City Actors où le personnage principal Shintarō est un hikikomori.
  • Dans l’anime Magical Dorémi Capucine est une hikikomori.
  • Dans l’anime Sakurasou no Pet na Kanojo, Ryûnosuke Akasaka est un hikikomori.
  • Dans le light novel No Game No Life, adapté en anime en 2014, les personnages principaux Sora et Shiro sont des hikikomori.
  • À la fin du jeu et de l’anime Corpse Party, Naomi Nakashima devient une hikikomori suite aux événements qui se sont déroulés à Heavenly Host, et à la mort de sa meilleure amie : Seiko Shinohara, effacée de la mémoire de tous.
  • Dans l’anime WataMote, le personnage principal Tomoko Kuroki se dit être une hikikomori.
  • Dans le light novel et l’anime Eromanga Sensei, Sagiri Izumi, dont son nom de plume en tant qu’illustratrice donne son titre à l’oeuvre, est une hikikomori.
  • Dans le light novel Outbreak Company, adapté en anime en 2013, le héros est un hikikomori, et un épisode est consacré à l’explication de ce terme à la princesse qui voulait aussi être une hikikomori.

Jeux vidéo

  • Le jeu vidéo et l’anime dérivé Chaos;Head (visual novel, 2008) positionne le joueur, au travers de son héros Nishijō Takumi, dans la peau d’un hikikomori effrayé par le contact avec d’autres individus.
  • Dans le jeu vidéo et l’anime dérivé Persona 5, le personnage de Futaba Sakura, à la suite d’un traumatisme psychologique, est une hikikomori.
# Reclus et sans projet: qui sont les Hikikomori français? (de l’express)

Ils ont de 15 à 25 ans et vivent cloîtrés. Même si ce phénomène reste marginal, il ne concerne plus seulement le Japon.
« Soulagé », c’est le sentiment qu’a ressenti Andréas lorsqu’il a pu mettre des mots sur ses maux.
Voici bientôt trois ans que ce trentenaire ne sort plus – ou si peu – du 2-pièces en bordure du périph’ intérieur parisien qu’il occupe avec sa mère.
Trois ans qu’il passe ses journées à dormir, à regarder en boucle des séries à la télé ou à surfer sur Internet.
Trois ans qu’il est socialement mort. Comment en est-il arrivé là ?
Le jeune homme ne se l’explique pas vraiment.
Ni fou ni haineux, il dit juste ne pas avoir la force de se battre pour se faire une place dans la société.
Depuis qu’il sait qu’il n’est pas malade, mais que sa conduite le classe, comme d’autres jeunes gens vivant eux aussi reclus dans leur chambre, dans la catégorie des « hikikomori », Andréas s’est délesté d’un poids énorme : celui de la culpabilité.

N’en déplaise à ceux qui, pendant toutes ces années, lui ont rebattu les oreilles avec cette idée, jusqu’à finir par le convaincre, il n’est pas un « feignant ».
Cette prise de conscience a poussé ce « zombie malgré lui » à accepter la main tendue d’une voisine de quartier, éditrice.
Elle a libéré sa plume et lui a donné le courage d’écrire son histoire en sa compagnie.
Car il n’entend pas se planquer tout le reste de son existence.

Combien sont-ils à avoir, comme Andréas, rompu avec le monde extérieur ?
Difficile à dire.
Né dans le Japon désenchanté du début des années 1990, le phénomène toucherait actuellement entre 500 000 et 1 million d’individus au pays du Soleil-Levant.
Selon la définition officielle, un hikikomori est un jeune retranché chez lui et qui ne prend plus part à la société depuis plus de six mois, sans qu’aucune pathologie mentale n’ait pu être identifiée.

Des cas avérés en France
En France, plusieurs milliers de personnes se retrouvent chaque année hors de tous les radars.
Ni étudiants, ni salariés, ni stagiaires, ils vivent des minima sociaux ou, plus fréquemment, aux crochets de leurs parents.
Certains sont, sans même le savoir peut-être, des hikikomori.
Car, chez nous, on ne les nomme pas.
On préférera parler de « retrait social », de « décrochage scolaire ».

Dans sa consultation « famille sans patient », à l’hôpital Sainte-Anne, à Paris, le docteur Marie-Jeanne Guedj-Bourdiau voit défiler les proches, souvent à bout de nerfs, de ces ermites des temps modernes.
Depuis 2005, la pédopsychiatre a recensé quelque 80 cas.
Parmi eux, des adolescents en rupture avec le lycée et, surtout, une majorité de jeunes gens de 25-30 ans qui, après avoir peiné à terminer leurs études supérieures, ont coupé tout lien avec l’extérieur.
Fait marquant : les demandes de rendez-vous, tous profils confondus, ont considérablement augmenté au cours des dernières années.

De jeunes hommes, surtout
Qui sont ces hikikomori ?
Le problème est qu’ils n’ont pas grand-chose en commun, hormis leur jeune âge (15-25 ans, pour la plupart) et leur sexe : masculin.
Les équipes du Dr Guedj-Bourdiau n’ont en effet suivi que deux femmes en treize ans.
Mais la prévalence masculine n’est peut-être que l’effet de l’invisibilité de la chose : culturellement parlant, on trouvera toujours plus « normal » qu’une fille reste chez elle.
C’est injuste, mais c’est ainsi.

Pour le reste, le phénomène revêt de multiples formes et les degrés de gravité sont divers.
Prenez la notion d’enfermement : d’un hikikomori à l’autre, elle est on ne peut plus variable.
Certains se rendent à des repas de famille et font des courses au supermarché.
Du moins lorsqu’ils relâchent la pression, car la volonté de s’isoler peut bien sûr varier dans le temps.
D’autres ne sortent que la nuit ou au petit matin, quand le risque de croiser quelqu’un est quasi nul.
Pour quelques-uns, la claustration est en revanche totale.

Nicolas, par exemple, n’a mis le pied dehors qu’une seule fois en trois ans : le 13 novembre 2015, précisément.
Ce soir-là, il est allé chercher, presque en apnée, sa petite sœur qui assistait au concert tragique des Eagles of Death Metal, au Bataclan.
La cadette en sécurité, il est retourné s’enfermer à double tour dans sa chambre, pour ne plus en ressortir.

Tom, lui, vit retranché dans une cabane au fond de son jardin de l’Essonne depuis plus de cinq ans.
Dans le noir, volets fermés sept jours sur sept.
Comble du sordide : non content d’avoir cessé de se laver, il a récemment décidé d’uriner et de déféquer dans des bouteilles ou des seaux, dont il se débarrasse avec les déchets du quotidien, pour avoir à sortir le moins possible de son cocon.

Et leur comportement ?
Imprévisible, lui aussi.
Ils peuvent se montrer avenants et souriants.
Etre prompts à s’intéresser aux autres ou à poser des questions.
Ceux-là disent généralement aller bien et feignent même de ne pas comprendre qu’on s’inquiète pour eux.
« Oui, ils vivent un tantinet isolés… Et alors ? »
Mais les hikikomori sont parfois aussi en grande détresse.
Car ils souffrent d’une faible estime d’eux-mêmes.
« Pourquoi s’intéresserait-on à moi ?, n’a eu de cesse d’interroger Andréas lors de notre rencontre.Je ne suis rien. Pour ma part, je ne voudrais pas d’un collègue, d’un ami ou d’un conjoint qui me ressemble. »

Eux peuvent développer des phobies ou encore des aberrations alimentaires, comme ce patient du Dr Guedj-Bourdiau qui ne se nourrit que d’aliments moulinés.
Ils finissent parfois même par se convaincre qu’ils ont de bonnes raisons de s’exclure de la société.

Maxence, par exemple, est persuadé qu’il ne peut entrer en contact avec les autres en raison de ses fortes odeurs corporelles.
Terrifié à l’idée qu’on puisse le regarder, voire le « juger », Andréas s’adonne lui-même à un rituel de soins de la peau – gommage, masque et crème hydratante – les rares fois où il franchit le seuil de sa porte.
Un mal-être qui engendre des pensées morbides chez certains, mais, bizarrement, rarement suicidaires.

Quant à leur perception du monde, les spécialistes s’accordent à dire qu’ils entendent, là encore, tout et son contraire.
Si quelques hikikomori se disent révoltés contre la société, la plupart ne se sentent pas concernés par les problèmes de leurs contemporains.
« Leur langage est rarement révolutionnaire, confirme la psychanalyste Natacha Vellut. Ils s’intéressent globalement peu à la politique et se montrent même à l’occasion un brin conservateurs. »

Des causes inexpliquées
Mais pourquoi diable mettent-ils donc leur vie sociale entre parenthèses ?
Leur réclusion ne résulte évidemment pas que d’une seule cause, mais d’un faisceau de facteurs se renforçant l’un l’autre.
Les sondés expliquent souvent avoir rencontré des difficultés à l’école ou dans le monde professionnel.

Si Andréas semble effectivement avoir souffert de ses mauvais résultats scolaires, d’autres étaient néanmoins de bons élèves avant de se désinvestir.
Beaucoup de patients ont aussi de lourdes histoires familiales ou présentent des troubles de l’attachement à leur mère, avec un paternel aux abonnés absents.
Mais certains n’estiment pas avoir été surprotégés et évoluent dans un contexte familial sans tension majeure.
Difficile, donc, de savoir ce qu’il se passe dans la tête d’un hikikomori.

Il n’empêche : tous vivent avec l’idée qu’ils n’ont aucune chance d’acquérir une place satisfaisante dans la société.
C’est simple : ils n’ont envie de rien et n’ont aucun projet, ni familial ni professionnel.

« C’est comme si ces jeunes gens n’arrivaient pas à devenir des adultes, poursuit Natacha Vellut. Tandis que les filles ont, dans ce cas, plutôt tendance à devenir hyperactives, voire, pour certaines, anorexiques, les garçons, eux, se replient sur eux-mêmes, parfois donc jusqu’à l’extrême. »
Déboussolés par les injonctions sociales qui pèseraient sur les jeunes mâles, ceux-là préféreraient s’arrêter au seuil de la vie adulte, sans y entrer.

Complaisance familiale
« Le phénomène hikikomori est évidemment rendu possible par une certaine complaisance familiale, souligne la sociologue Maïa Fansten. Il faut bien, en effet, que quelqu’un paie le loyer et la nourriture. Certains parents ne toléreraient pas cette situation. Il est aussi facilité par le développement des outils numériques. Sans connexion, on peut vite devenir fou. Le hikikomori souffre rarement de cyberaddiction, mais l’ordinateur lui donne grosso modo l’illusion d’appartenir encore au monde extérieur. »

Le syndrome serait-il donc une nouvelle facette – extrême et marginale, certes – de la crise d’adolescence ?
Les avis des spécialistes sont partagés. Serge Tisseron va même jusqu’à douter de l’existence du phénomène en France.

« Je n’ai jamais rencontré d’hikikomori primaire, autrement dit, un patient sans arrière-plan de trouble mental, martèle le psychiatre. Si certains jeunes vivent reclus, c’est parce qu’ils souffrent de phobie, ou encore de schizophrénie. L’isolement est un effet secondaire de leur pathologie. »

Hikikomori primaires ou secondaires : qu’importe.
Pour le docteur Guedj-Bourdiau, ces jeunes gens doivent être suivis à domicile.
Et si la claustration est trop invalidante, il faut en passer par une hospitalisation.
Une prise en charge, longue, délicate et, hélas, souvent accompagnée de rechutes.

« Mais une fois guéris, tous nous remercient de les avoir sortis de cet enfer. »

Pour revenir parmi les vivants.

# Quelques vidéos

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Cécile
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Cécile

Co-créatrice de la communauté Bidouilleuse de code Créatrice de bugs / features Boulette officielle Mon ancien pseudo était Waha Mon but dans la vie : conquérir le monde à dos de drosophile Mes animés préférés : host club, black lagoon, durarara, deadman wonderland, excel saga, Gurren Lagann, samurai champloo Mes mangas préférés : Goth, Death note, Deadman Wonderland, Perfect World, Attaque des titans, Seven Deadly Sins... Mes films préférés : Arrietty, Summer Wars, Garden State, une vie moins ordinaire,Le seigneur des Anneaux, Bienvenue a gattaca, La traversée du temps, le chateau ambulant, le voyage de chihiro, princesse mononoke, John Wick Mes séries TV préférées : Nerdz, le visiteur du futur, doctor who,Izombie, Stranger Things, The boys, Preacher

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